DOSSIER : Accompagnateurs de trekkings en milieux spécifiques (montagne, volcans, déserts, grand Nord...

 

Pour une meilleure compréhension du dossier, vous pouvez lire notre introduction, en cliquant  ici

 

1 - L’abandon des guides et accompagnateurs diplômés, par les agences de treks, en terrain spécifique est-il légal ?

 

L’activité d’encadrement des randonnées en montagne contre rémunération est réglementée en France.

Le Brevet d’Etat d’accompagnateur en montagne, devenu depuis peu Diplôme d’Etat est requis pour toute activité de cette nature.

 

Afin de pouvoir étendre ces compétences à d’autres nations ou territoires, deux instances ont été créées pour organiser et valider les équivalences, permettant à des guides ou accompagnateurs d’autres pays d’encadrer des groupes de Français, en respectant les règles de sécurité en vigueur chez nous :

l’IUAGM, qui régit la profession de Guide de Haute Montagne, et l’UIMLA, celle d’accompagnateur en montagne.

 

Ces 2 instances sont les seules à être reconnues au niveau international.

Concernant l’accompagnement en montagne, le Maroc, l’Espagne, le Val d’Aoste, la Bulgarie, le Monténégro, l’Allemagne, la Pologne, la Tchéquie, ont formé des accompagnateurs reconnus aux compétences équivalentes. La liste complète peut être consultée sur le site de :

l’UIMLA : http://www.uimla.org/cms/index.php?id=27

 

Peu de territoires où les voyagistes d’ATR organisent des trekkings…

Ailleurs, les guides locaux ne sont pas diplômés pour encadrer des clients français en montagne.

 

Il est donc fort légitime de poser la question de la légalité de l’abandon de l’accompagnateur diplômé sur de nombreux territoires montagneux et milieux spécifiques.

 

En outre, V.V.E pose la question : A quoi sert une réglementation, des instances pour organiser sa mise en place, si rien n’est fait pour vérifier qu’elle est respectée, ni pour la faire respecter.

 

A la fin de l'article, vous trouverez un document qui indique les sanctions encourues en cas d’accompagnement en montagne, contre rémunération, sans diplôme.

 

Ci-dessous, pourquoi, il n’est pas justifié d’abandonner l’accompagnateur diplômé.

 

1-2 : Les guides locaux utilisés par les voyagistes d'ATR sont ils tous formés et diplômés ?

 

Diplômés, nous venons de voir que ce n’était pas le cas.

Formés : le plus souvent, non plus.

 

Il existe de nombreux pays dans lesquels opèrent les voyagistes d’ATR, où il n’existe pas de formations de guide, ni de réglementation concernant l’activité.

Dans des régions très touristiques, de nombreux guides se sont tout simplement auto-proclamés guides…

 

Lahcen Agoujil, notre représentant au Maroc, lui-même accompagnateur UIMLA, ne cesse de dénoncer les agences qui ne sont pas en règle, et les pseudo-guides, dans son pays…

 

La plupart du temps, la formation du guide local, quand il en a reçu une, ne recouvre pas l’ensemble des champs de compétences requis, qui sont nombreux (L’UIMLA valide notamment cela).

 

Dans un article écrit en 2007, paru dans Trek Mag, Jean-Pierre LAMIC écrivait ceci : « Quant au guide local, loin de moi l’idée de dévaloriser son apport au voyage. Apport essentiel à la réussite de ce dernier, notamment pour la transmission des coutumes et anecdotes locales.

Oui, dans certaines situations, et quand les treks ne se déroulent pas en terrain spécifique, ni en zone à risque, il peut suffire au très bon déroulé du voyage.

 

A condition toutefois qu’il œuvre de manière efficiente aux deux facettes indissociables du métier :

- Être un bon guide pour les explications à donner, tout en maniant parfaitement la langue des visiteurs, et des visités (ce n’est pas toujours le cas !)

- Et savoir gérer la logistique.

 

Mais aussi qu’il monte en haut de la dune, accompagne ses clients  sur les marchés, déjeune et dîne avec eux !

Qu’il soit, de plus, une interface utile et efficace avec la population locale (pas le représentant d’une ethnie dominante), qu’il dispose de bonnes connaissances générales (allant au-delà de celles concernant sa région ou son pays), qu’il sache appréhender les aspirations de la clientèle, qu’il puisse gérer la psychologie du groupe, et soit formé aux premiers soins, et secours en zone à risque, etc.

 

Sur le terrain, on peut constater que cette alchimie se réalise pour environ 10% des voyages».

 

C’est pourquoi, aux deux facettes du travail d’accompagnateur :

- connaissances d’une région d’un côté – connaissances générales, traductions et logistique à assumer de l’autre, responsabilité en cas de problème, correspond le travail de 2 personnes associées dans un binôme.

 

C’est aussi le seul moyen de se former mutuellement à 2 cultures différentes, et d’être en conformité avec les lois du pays émetteur comme celles du pays visité » !

 

1- 3 : Les accompagnateurs diplômés doivent-ils se reconvertir ?

 

Ni COPRELS, dont un représentant est intervenu lors des événements décrits en introduction,  ni V.V.E, ne parlent de guides culturels, auxquels il a été fait allusion, mais d’accompagnateurs en montagne, dont le diplôme sert à garantir la sécurité du voyageur, tout comme la caution de l’agent de voyage prémunit le voyageur contre une fraude ou une cessation d’activité du voyagiste.

 

Pourquoi donc les accompagnateurs en montagne diplômés, qui plus est, recyclés tous les 6 ans et reconnus au niveau international, dans un marché largement porteur, devraient-ils se reconvertir?

 

Parce qu’une dizaine de dirigeants d’agences aventure ne respectent pas la réglementation en vigueur ?

 

Non ! Selon nous, les accompagnateurs ont raison de vouloir faire valoir leurs droit, d’autant que leur suppression engendre une concurrence déloyale vis-à-vis des petites agences qui s’y conforment (dont une quinzaine d’agences concernées sont membres de V.V.E).

 

Et si V.V.E soutient le maintien du binôme, ce n’est pas pour des raisons corporatistes, mais parce que le supprimer c’est aussi  créer de nombreuses perturbations sur les territoires.

 

1.4 : Le choix d'abandonner l'accompagnateur diplômé peut il être dicté par les voyageurs?

 

Il s'agit d'un des principaux arguments des dirigeants d'ATR, maintes fois entendu.

Monsieur Franck Michel, anthropologue, spécialiste du rapport  visiteurs / visités a rappelé qu'il n'appartenait pas aux voyageurs de décider !

 

Il semble évident qu'un voyageur découvrant un territoire pour la première fois, n'a pas entre ses mains les clefs lui permettant d'appréhender les problématiques liées audit territoire.

 

2 – L’abandon des accompagnateurs diplômés est-il bénéfique aux territoires et aux voyageurs ?

 

Après la suppression de l’accompagnateur diplômé, nombre de Touaregs ne débâtaient plus les chameaux 2 fois par jour, mais une fois, avec pour conséquence que les clients arrivaient à l’étape à 14 ou 15 heures, ce qui modifiait considérablement l’intérêt de leur voyage !

 

Ils regroupaient les campements pour se réunir le soir, créant des zones sur-fréquentées, à forte concentration de déjections humaines, etc.

 

En Équateur, les prix ont flambé partout sur les marchés parce que les guides locaux laissent très souvent leurs clients y aller seuls. Ne connaissant pas les prix, qui, pour eux sont de toutes façons peu élevés, ils payent 4 fois le tarif, avec pour conséquence une inflation dont souffrent davantage les plus pauvres…

 

Tout cela est humain, et se gère… Grâce au binôme.

En outre, l’accompagnateur diplômé était le meilleur commercial possible pour les territoires les moins connus, donc les plus déshérités !

 

2.1 : Supprimer l’accompagnateur diplômé, employer un guide local seul, fait-il rester l’argent du tourisme sur les territoires ?

 

Supprimer l’accompagnateur diplômé, c’est presque toujours devoir sous-traiter un ensemble de services à une agence réceptive pour assurer la logistique que l’accompagnateur diplômé prenait en grande partie en  charge.

 

Combien d’Africains, de Mongols, de  Malgaches, ont-ils la possibilité financière d’investir dans la création d’une telle agence, et son corollaire : l’achat de véhicules type 4X4 en suffisamment bon état pour pouvoir transporter des touristes ?

 

Donc, au mieux, la plupart de ces agences sont créées par un couple dont l’un est européen et l’autre du pays concerné, et encore plus fréquemment, elles sont tenues par des expatriés de toutes origines.

C’est particulièrement vrai dans toute l’Amérique latine, où l’on trouve de mégas agences réceptives internationales.

 

En de nombreux endroits se crée une recolonisation par l'argent.

Évidemment, les locaux n’ont droit qu’aux emplois subalternes.

 

Par ailleurs, dans la concurrence effrénée que se livrent les agences d’aventure de l’association ATR entre elles, la recherche du moindre coût est évidente. Qui dit moindre coût, dit obligatoirement moins d’argent sur les territoires, d’autant que ces agences ont des marges de 20% et plus pour payer leurs charges en France.

 

Une petite agence, ayant des charges moindres, ou une agence positionnée sur un marché non concurrentiel, disposeront donc de plus de latitude pour payer leurs guides locaux à leur juste valeur.

C’est le cas des voyagistes de V.V.E, qui ne se positionnent pas sur des territoires déjà saturés.

 

Finalement, paradoxalement, l’accompagnateur diplômé coûtait souvent moins cher que les marges de l’agence réceptive, qui frôlent souvent les 20%, à ajouter aux 20% de celles de l'agence vendeuse !

 

C’est donc le modèle économique des voyagistes composant  ATR qui est à revoir :

Plus l’agence grossit, s’internationalise, utilise la sous-traitance et les économies d’échelle, et moins il reste d’argent sur les territoires.

Nous connaissons ce phénomène dans tous les secteurs d’activité, pourquoi en serait-il autrement dans le tourisme "responsable" ?

 

Enfin, l’abandon des accompagnateurs diplômés et son corollaire, l’utilisation d’agences réceptives locales a d’autres conséquences sociales :

 

- L’émergence de potentats locaux qui prennent le pouvoir par l’argent sur leur communauté ou les communautés voisines.

-  L’appauvrissement de l’offre , qui conduit à la concentration des voyages sur les seuls territoires où opèrent des agences réceptives avec guides locaux francophones (facteur limitant).

 

De nombreux territoires sont désertés par les grandes agences parce qu'ils ne peuvent offrir ni guide francophone, ni agence réceptive opérationnelle.

 

-  La concentration de l’offre, car seul l’accompagnateur diplômé pouvait orienter ses clients vers des voyages sur des terres inconnues.

 

Ainsi MahayExpédition est-il en train de créer deux voyages solidaires dans des zones délaissées de Madagascar...

Des territoires, non rentables pour un voyagiste de la taille de ceux d’ATR, qui recherche un volume significatif pour chaque voyage et destination mise en brochure !

 

2. 2 : ATR, c’est bien, parce qu’ils sont engagés depuis 10 ans

 

L’engagement d’ATR a pour raisons principales :

 

1 - d’occuper le marché du tourisme responsable pour éviter que les personnes sensibilisées à ces thèmes n’aillent vers les vrais acteurs. Ceux qui n’ont pas besoin de ce type d’opération de communication pour essayer de prouver qu’ils produisent des voyages responsables.

 

2 – Faire avaliser par l’AFNOR (maintenant Ecocert), les pratiques existantes depuis longtemps :

- Groupes de 15 personnes définis comme petits (Chez V.V.E un petit groupe, est constitué de 5 à 8 personnes)

-  Abandon du guide diplômé (Le critère définissant l’emploi des guides est, selon nous, une véritable imposture).

 

Traduit de son jargon, il autorise à employer 40% de guides non issus de la Région, et 60 % issus de la Région. Le mot Région ayant été choisi sciemment pour pouvoir transformer un Chinois en guide local au Tibet, un arabe en guide local chez les Berbères, faire travailler des Espagnols en France (ils coûtent moins cher !) , et depuis peu des Libanais sont devenus « guides locaux » à Oman ! etc.

 

Donc, en dépit d’une certification, et d’une communication axée sur le thème : un guide local c'est mieux, dans la moitié des cas au moins, le guide local, n’est pas issu du territoire où se déroule le voyage !

 

Chez V.V.E, en dehors des territoires où il n’existe pas de guides locaux, l’accompagnateur diplômé travaille en binôme avec un guide né ou vivant dans le territoire où se déroule le voyage.

 

Notre modèle économique est celui de l’artisanat, il nous semble beaucoup plus adapté à un tourisme véritablement responsable induisant un maximum de retombées économiques sur les territoires.

 

Vous avez aimé ? Merci de le dire dans un commentaire (ci-dessous), même très court !

Cela nous aidera à continuer à donner une information libre et différente !

D’avance, merci.

 

Créée il y a 9 ans, V.V.E a écrit ceci dans ses statuts :

« Lutter contre toutes les formes de désinformation, y compris contre celles qui relèveraient d’un marketing dissimulé sous un argumentaire « éthique », et toute forme de « business éthique ». C’est pourquoi, nous avons intitulé une des rubriques de notre blog : information/désinformation.

 

Jean-Pierre LAMIC, auteur de "Tourisme durable, utopie ou réalité", accompagnateur en montagne diplômé.

 

Cadre réglementaire pour l'encadrement des séjours en montagne et sanctions encourues en cas de transgression aux obligations légales par les professionnels et employeurs
A.PINGUET_ L'encadrement des sports de m
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Commentaires: 9
  • #1

    Daniel Zanin (vendredi, 12 décembre 2014 17:35)

    Merci pour votre action!

  • #2

    B de L (mercredi, 17 décembre 2014 18:43)

    Merci du discours que vous tenez et de l'éclaircicement que vous apportez pour certain, similaire à ce que j'ai déjà pu constater sur le terrain en trekking.

  • #3

    caliot yves (mercredi, 17 décembre 2014 21:33)

    Bon boulot de "déconstruction" d'une imposture sémantique - continuez

  • #4

    steph (jeudi, 18 décembre 2014 12:02)

    Je soutiens ce texte à 100%
    Il fait du bien à lire !

  • #5

    Repéto jean marc (vendredi, 19 décembre 2014 08:06)

    Voilà une définition qui correspond tout à fait à l éthique sur notre métier d accompagnateur en montagne, continuez le combat bravo.

  • #6

    bruno M (lundi, 25 janvier 2016 17:26)

    je suis amm dans les pyrenees, j ai passe ce diplome pour aussi partir a l etranger, les agences françaises ne prennent plus de d amm et sous traite à l etranger,elles se sont assise sur la legislation ou plutot ont leur a ouvert des privilèges, histoire de gros sous
    Elles ont flingué ce travail qui est précaire car saisonnier, de plus statut d'independant en france et mariage forcé avec le rsi qui mérite simplement qu on lui fasse sauté les bureaux
    Alors, c est simple, je veux quitter ce pays car c est un gros foutage de gueule, ici on perd notre temps pour rien faire

  • #7

    Ludwig (dimanche, 11 septembre 2016 18:01)

    Un bel article !

  • #8

    Christine C. (vendredi, 17 novembre 2017 21:27)

    Texte intéressant et pédagogique, montrant bien l'opposition entre les gros et les petits....la désinformation.....et les entorses aux législations non contrôlées ni punies.....Bon courage pour poursuivre

  • #9

    LAMIC Jean-Pierre (vendredi, 01 décembre 2017 17:14)

    Merci pour ces commentaires. N'hésitez pas à nous faire remonter vos expériences de terrain. Plus nous aurons d'informations, notamment concernant les accidents dus à un encadrement défectueux, plus nous aurons de chance de gagner une bataille initiée en 2005 ! Mais soyez assurés que l'étau se resserre sur les tricheurs...

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©Copyrignt photos :

Jean-Pierre Lamic, Corinne Bazin, Véronique Teisseire, Katamkera, Terres Nomades

 

Réalisation images :

 

- Julie AMBRE

- Tiphaine MUFFAT

- Manon MATHIEU

- Titouan FAURE

Étudiants en DUT Gestion Administrative et Commerciale des Organisations (GACO)

Université Savoie Mont Blanc