Alors pour répondre à cette demande, des promoteurs ont bâti des infrastructures : des hébergements conçus et construits par des citadins pour un espace montagnard aux caractéristiques bien affirmées. Ils ont utilisé des bois qui ne supportaient pas les intempéries, oubliant que le mélèze que l’on trouve sur place est une essence résistant depuis toujours aux outrages du temps.
Ils ont conçu des toits plats, voire en forme de V dans des régions où la neige pèse sur les toitures, et érigé des immeubles aux formes disharmonieuses, tout droit sortis des banlieues.
À l’orée des années 90, conscients de ces erreurs, leurs successeurs ont imaginé des constructions plus en phase avec les attentes des touristes, même s’il s’agissait en fait d’une pâle copie des bâtisses traditionnelles. Comme à Val d’Isère, totalement rénovée pour les Jeux Olympiques de 1992, les colonnades furent mises au goût du jour, ainsi que les pierres de parement et le bois sur la partie haute des façades.
L’apparition de ce nouveau mode de construction fut concomitante avec l’arrivée massive d’une clientèle internationale. Il plut à cette dernière qui se prit à acheter des appartements résidentiels ; puis vinrent les investisseurs…
Depuis lors, nous sommes entrés dans l’ère de la mondialisation. Ses apôtres n’ont qu’un mot aux lèvres : la concurrence.
Au nom de la concurrence internationale, un développement effréné s’effectue depuis une dizaine d’années, alimenté par la seule logique du revenu immobilier à court terme. Aux erreurs du passé, la spéculation immobilière ajoute des dégradations tant sociales qu’environnementales. Leurs conséquences sur le long terme sont largement prévisibles, bien que difficilement quantifiables :
Nous sommes là devant un nouveau type de colonialisme qui concerne les riches pays émetteurs du Nord vers les territoires de proximité les plus attractifs (qu’ils dégradent), en termes de richesse des paysages, de conditions météorologiques, de profits, de couverture sociale, etc. Mais le plus grave est qu’au nom de cette concurrence internationale, et du risque potentiel qui consisterait à perdre la prévalence acquise par l’offre touristique française, les décideurs n’hésitent plus à taillader des pans entiers de montagnes au bulldozer. Comme par exemple cette nouvelle piste de 2 km, large de 30 m, à l’Alpe d’Huez, taillée à l’explosif tout l’été 2008.
Pour satisfaire l’un des deux objectifs prioritaires de notre région, à savoir consolider les activités économiques en place (l’industrie du ski), nous sommes entrés depuis une dizaine d’années dans une phase d’expansion irraisonnée des espaces d’enneigement artificiel et de reprofilage des pistes de ski.
Or cette politique repose sur des fondements largement contestables :
Les pratiquants du ski préfèreraient des pistes rabotées, uniformisées ; tout comme on nous a incité à croire que le consommateur choisit délibérément des pommes bien rondes, sans défauts, insipides et traitées tout au long de leur croissance.
Longtemps enfermé dans un système qu’il ne maîtrisait pas, le consommateur devient consomm’acteur et montre qu’aujourd’hui il préfère au contraire le bon goût à l’aspect.
Il faudrait aussi garantir coûte que coûte l’enneigement au moyen de la mise en culture de neige artificielle…Nous devrions dire de glace artificielle.
Car les pratiquants du ski montés sur des skis paraboliques plutôt faits pour la neige douce, apprécieraient de skier sur de la glace artificielle, bien lissée par le passage répété de skieurs en surfréquention.
Combien d’entre eux se sont-ils retrouvés à l’hôpital après quelque excès de vitesse dans ces conditions ?
Enfin, on voudrait nous faire croire que tous les usagers (touristes, randonneurs en été, saisonniers, et habitants permanents), feraient le choix, s’il leur était permis de s’exprimer, de creuser la montagne au bulldozer pour permettre l’alimentation de ces jets d’eau métalliques, si indispensables à l’industrie du ski.
Ou encore qu’ils apprécient de trouver aux plus hautes altitudes d’immenses réservoirs, appelées « retenues collinaires » afin de ne choquer personne, comme aux Arcs ou à La Plagne !
Au regard du « développement durable », la protection des territoires qui font vivre cette industrie du ski devient une autre priorité de façade, affichée à la seule fin d’essayer de contenter tout le monde. Mais personne n’est dupe.
Les dégradations de notre environnement et des paysages s’accélèrent, les conditions sociales stagnent, les friches immobilières s’accumulent, et la problématique des transports publics et collectifs n’a toujours pas été considérée comme la priorité des priorités, ce qu’elle est pourtant.
De l’argent public étant alloué à ces choix discutables, il est plus qu’urgent que nous tous réagissions !
Pascal Lluch pour V.V.E. http://blog.voyages-eco-responsables.org/